Sommet mondial de l’OMS sur la médecine traditionnelle : le risque scientiste

New Delhi, 18 décembre 2025 – Au cœur du Bharat Mandapam, du 17 au 19 décembre, se déroule le deuxième Sommet mondial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la médecine traditionnelle, co-organisé avec le ministère indien de l’AYUSH.

Sous le thème « Rétablir l’équilibre : science et pratique de la santé et du bien-être », ce rassemblement réunit ministres, experts et représentants de plus de 100 pays. L’annonce phare ? Le lancement de la Bibliothèque mondiale de la médecine traditionnelle (TMGL), un vaste dépôt numérique de 1,6 million d’enregistrements, destiné à accélérer la Stratégie mondiale 2025-2034 de l’OMS. Le directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus vante une intégration des savoirs ancestraux pour une couverture sanitaire universelle, alors que 40 à 90 % des populations dans 90 % des États membres recourent régulièrement à ces pratiques, pourtant sous-financées à moins de 1 % des budgets mondiaux de recherche en santé.

Valoriser la médecine traditionnelle, vraiment ?

Sur le papier, ces initiatives paraissent louables, promettant une valorisation des médecines complémentaires et intégratives. Mais en réalité, elles pourraient incarner une vision technoscientiste étroite, obsédée par des « preuves scientifiques » quantifiables, qui risque de passer totalement à côté des dimensions spirituelles, archétypales et subtiles des médecines traditionnelles.

Ces approches holistiques, ancrées dans des cosmologies ancestrales, offrent des bienfaits potentiellement non mesurables – équilibre énergétique, harmonie spirituelle, guérison psychique – qui pourraient échapper aux essais cliniques randomisés et aux métriques biomédicales. En imposant un cadre scientifique inadéquat, l’OMS risque non seulement de marginaliser ces pratiques essentielles, mais aussi de les dénaturer, les reléguant potentiellement au rang de curiosités folkloriques ou, pire, de les interdire au nom d’une « sécurité » définie par des normes occidentales.

Biopiraterie numérique et liens avec l’industrie pharmaceutique

Cette approche réductrice pourrait s’inscrire dans un esprit néo-colonial persistant, où les savoirs indigènes risquent d’être accaparés sous couvert de « modernisation ». La TMGL, pilotée par le Centre mondial de l’OMS à Jamnagar (financé en grande partie par l’Inde), numérise des connaissances millénaires sans garde-fous suffisants contre la biopiraterie. Des exemples historiques, comme les brevets abusifs sur le curcuma ou le neem par des firmes occidentales dans les années 1990, rappellent comment des remèdes traditionnels ont pu être appropriés sans compensation pour les communautés d’origine.

Aujourd’hui, avec l’intégration de l’intelligence artificielle pour analyser ces données, le risque s’amplifie : des algorithmes pourraient extraire des composés isolés, brevetables, transformant potentiellement des rituels spirituels en pilules standardisées, tout en ignorant les aspects archétypaux – symboles, mythes, connexions cosmiques – qui font l’essence de leur efficacité.

Ensuite, les liens opaques avec l’industrie pharmaceutique. L’OMS, déjà discréditée aux yeux de beaucoup depuis sa gestion de la crise Covid, promeut une « intégration » qui pourrait privilégier des hybrides brevetables au détriment des pratiques locales accessibles et gratuites. Moins de 1 % des fonds de recherche pour une médecine utilisée par des milliards : ce vide laisse la porte ouverte à Big Pharma pour financer des essais « scientifiques » biaisés, isolant des molécules naturelles pour en faire des médicaments synthétiques onéreux. Des critiques, comme celles émises lors des débats sur la stratégie 2025-2034, pointent un privilège accordé aux paradigmes occidentaux, marginalisant les épistémologies indigènes.

Appropriation, marchandisation, marginalisation

La préservation de la biodiversité et les échanges avec les peuples autochtones sont évoqués, mais sans mécanismes contraignants comme le consentement libre, préalable et éclairé. Les gardiens indigènes, dépositaires de 40 % de la biodiversité mondiale, pourraient voir leurs savoirs archétypaux – liés à des esprits de la nature, des cycles lunaires ou des ancêtres – réduits à des données exploitables. Cette mise au ban potentielle des pratiques spirituelles plus subtiles risque de détruire des écosystèmes culturels entiers, sous prétexte d’une « valeur intersectorielle » mesurée en termes économiques.

Enfin, la quête d’une couverture sanitaire universelle « sans barrières financières » pourrait sonner creux dans ce cadre. En priorisant des innovations technoscientistes, l’OMS risque d’uniformiser les soins au profit d’un modèle capitaliste, où les bienfaits subtils des médecines traditionnelles – paix intérieure, connexion collective – pourraient être sacrifiés sur l’autel de la quantification. Ce sommet catalyse une stratégie décennale qui, sans vigilance, pourrait perpétuer un néo-colonialisme déguisé en progrès.

Pour contrer ces risques probables, il faut exiger : une reconnaissance des limites de la science conventionnelle, des protocoles protégeant les dimensions spirituelles, des audits indépendants sur les partenariats pharma, et une priorisation des pratiques holistiques accessibles. Les communautés indigènes, les ONG et le public doivent amplifier leur voix : l’équilibre véritable ne se mesure pas en données, mais en respect des sagesses intangibles qui nourrissent l’humanité depuis des millénaires. À New Delhi, le risque est clair – une harmonie factice qui pourrait étouffer l’âme des guérisons ancestrales.

Eric De Ruest

Fondateur de Gaiarôme, consultant en aromathérapie clinique et holistique depuis 2014. Formé à l'herboristerie européenne à l'IFAPME, puis auprès de guérisseurs en Amérique du Sud, il se passionne pour les guérisons traditionnelles et les guérisons extraordinaires. Expérienceur, il est spécialiste des états modifiés de conscience. Découvrez ses créations sur gaiarome.com.

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